Union Apicole Ornaise

Tribune de M Meyer Azoulay dans le Réveil Normand

Retrouvez ci-dessous la tribune publiée par M Meyer Azoulay administrateur de l’UAO dans le journal Réveil Normand du 25 juin 2025.

Texte en bas de page

Le projet de loi Duplomb : une folie pour la biodiversité et notre santé !

En février dernier, la loi d’orientation agricole (LOA) votée sous la pression de la FNSEA opérait une remise en cause sans précédent de la protection de la biodiversité et des actions de santé publique (1). Les parlementaires avaient inscrit dans cette LOA le principe selon lequel les produits phytopharmaceutiques autorisés dans l’union européenne, même réputés dangereux, pourraient être ré-autorisés « en l’absence d’alternatives économiquement viables ». C’était une première brèche à la réintroduction de pesticides absolument nocifs, notamment les néonicotinoïdes surnommés « tueurs d’abeilles ».

Dans la continuité de cette LOA, nous faisons désormais face à une nouvelle menace pour la biodiversité et la santé publique : la « loi Duplomb », qui vise officiellement à « lever les contraintes » à l’exercice du métier d’agriculteur (2) . Cette loi contient deux dispositions particulièrement préoccupantes :

  1. L’affaiblissement du rôle de l‘Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, l’ANSES, (3)  dont les décisions pourraient être suspendues par l’exécutif via un comité d’orientation pour la protection des cultures en désignant les pesticides prioritaires pour lesquels on estime qu’il n’existe pas d’alternative. Cette disposition représente « une remise en cause de la place de l’expertise scientifique dans le processus d’autorisation de mise sur le marché de produits phytosanitaires »(8). En effet, l’évaluation des pesticides sera désormais plus fortement influencée par leur rentabilité économique que par leur impact sur la santé publique et la protection de la biodiversité.

  2. La réautorisation, dans certains cas, de l’acétamipride, un néonicotinoide, jugé pourtant dangereux pour l’environnement et la santé publique. On entend souvent les partisans de la loi Duplomb défendre cette disposition avec trois arguments : « l’acétamipride a été interdit pour des raisons politiques et non scientifiques », « Il n’existe pas d’alternative à l’acétamipride » et « si l’acétamipride est autorisé au niveau européen, alors il doit également l’être en France ».

LES 3 PRINCIPAUX ARGUMENTS DES DÉFENSEURS DE LA MOI DUPLOMB

Argument n°1 : « l’acétamipride a été interdit pour des raisons politiques et non scientifique ». C’est faux.

Il a en effet été démontré scientifiquement que l’acétamipride avait un impact absolument catastrophique sur les insectes pollinisateurs, les oiseaux, la biodiversité – et c’est précisément cela qui a justifié l’interdiction de ce produit. Concernant les abeilles, par exemple, c’est leur sens de l’orientation qui est perturbé par l’acétamipride : sous l’effet de ce produit, elles meurent ainsi d’épuisement en cherchant désespérément leur colonie. Notons que l’acétamipride peut persister 800 jours dans l’environnement, selon Philippe Grandcolas Directeur de recherche au CNRS, et c’est justement cette durabilité qui la rend d’autant plus dangereuse.

L’acétamipride a également des impacts importants sur la santé publique. Ce n’est pas pour rien que plus de 1 000 médecins et scientifiques ont publié  une lettre contre la proposition de loi Duplomb,(4) parmi lesquels le biologiste du museum d’histoire naturelle Marc André Selosse, le toxicologue Xavier Coumoul, le président de Médecins du Monde Jean-François Corty, l’oncologue Brigitte Costa, ou encore le généticien Christian Velot . L’ autorité européenne de sécurité des aliments n’a certes pas interdit ce néonicotinoïde en Europe, mais elle a reconnu qu’il existait de grandes zones d’ombres sur sa toxicité.

Argument n°2 : « Il n’existe pas d’alternative à l’acétamipride ».

Depuis 2018 de nombreuses alternatives ont été trouvées aux néonicotinoïdes, y compris pour l’acétamipride. Jean-Marc Bonmatin, chercheur au CNRS en chimie et toxicologie, cite ainsi en exemple « les rotations de cultures, les semis tardifs, les variétés résistantes » (5) . Nous pouvons également citer des expériences  dans le Val de Loire qui donne des résultats encourageants, auprès de producteurs de betteraves (6) Selon Jean-Maroc Bonmatin, certaines alternatives aux néonicotinoïdes peuvent être certes plus coûteuses, mais efficaces. Bien entendu, nous ne pouvons pas exiger de nos agriculteurs de renoncer à ces pesticides sans les aider financièrement, leur rendement pouvant s’en trouvant affecté. La loi Duplomb semble ainsi opérer un choix très contestable : réautoriser des produits dangereux plutôt que d’accompagner nos agriculteurs, y compris sur l’aspect financier, vers des procédés plus en phase avec la santé publique et la protection de l’environnement.

Argument n°3 : « Si l’acétamipride est autorisé au niveau européen, alors il doit également l’être en France »

Comme les deux précédents, ce dernier argument ne tient pas non plus. Encore une fois, insistons sur le fait que la dangerosité de l’acétamipride est scientifiquement avérée pas seulement pour l’environnement mais aussi pour l’homme : par conséquent, ce qui est anormal n’est pas l’interdiction de ce produit en France, mais son autorisation en Europe.

Pour terminer je citerai un témoignage poignant d’Yves Delaunay (7), apiculteur, à l’assemblée nationale : « j’ai vu des collègues apiculteurs se pendre, incapable de surmonter les ravages causés par les néonicotinoides et les dettes…Il ne faut surtout pas recommencer cette erreur.… Les sols portent encore les traces de cette pollution ». Cette déclaration émouvante permet de rappeler que les apiculteurs sont aussi des agriculteurs, qu’ils connaissent les mêmes problèmes qui peuvent se traduire par les mêmes drames. Ne sacrifions pas nos apiculteurs, notre biodiversité et notre santé au profit de l’agro-industrie : il est encore temps de rejeter cette loi. Mais il faut aussi protéger nos agriculteurs en oeuvrant pour généraliser cette interdiction en Europe, en favorisant la recherche sur des alternatives, et enfin en les accompagnant dans la pratique d’une agriculture plus vertueuse pour l’environnement et la santé.

NB : Meyer AZOULAY a demandé à plusieurs reprises à être reçu par Monsieur LIGER, dès le mois de février. Le 1er avril, un premier message, le seul d’ailleurs, du cabinet de Monsieur LIGER proposait un rendez-vous. Le jour J, et 2 mn avant le rendez vous Meyer Azoulay était informé que celui-ci était annulé…

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